Schéma d’interprétation du Ventoux

L’interprétation du patrimoine permet de faire comprendre aux visiteurs la signification et la valeur d’un lieu. La difficulté ne résidant alors pas dans le partage de la connaissance, mais dans le partage de l’émotion.

Interpréter, c’est donc en premier une envie de partager et de transmettre notre histoire, nos patrimoines, nos paysages et notre nature avec enthousiasme, dans le respect de ce territoire et de ces habitants. C’est aussi identifier sur quoi repose le caractère de ce lieu emblématique, lui donner une identité et construire une offre de découverte cohérente. C’est, enfin, en parler avec émotion, c’est surprendre le visiteur, c’est aiguiser sa curiosité et aller chercher la prise de conscience et le questionnement.

Les choix d’interprétation

Pour présenter cette montagne, l’orientation prise fut celle de raconter l’histoire de l’Homme face à la Montagne, car inconsciemment ou pas, chaque matin, nous partageons tous ce même instant, nous nous mettons face Ventoux et le regardons plus ou moins intensément.  Nous le faisons tous et nous le faisons depuis des siècles…

Cependant, nos sentiments vis à vis de cette montagne n’ont pas toujours été les mêmes. Egrainons les siècles et contons les histoires d’hommes, d’enfants, de femmes qui se sont retrouvés face au Ventoux, et y ont ressenti divers sentiments, de la vénération, de la peur, de la soumission, de la reconnaissance, de l’exaltation, de l’inspiration, de l’affront…

Le Ventoux devient alors La Montagne, un profil tranché, pyramidal, un sommet minéral, une altitude côtoyant les nues, enveloppée de forêts sombres, une cime consacrée, un mont à la fois bienveillant et inflexible, distinguant l’homme méritant de l’homme orgueilleux, face au Ventoux nous sommes face à La Montagne dans toute sa symbolique.

L’offre Thématique

L’objectif est ici de présenter le Ventoux dans sa multiplicité, tout en mettant en exergue ce qui rend cette montagne unique. Le Ventoux ne ressemble à aucune autre montagne.Tout ce qui est arrivé à celle-ci, et fait ce qu’elle est aujourd’hui, n’est qu’une seule et même histoire celle de l’homme face à la montagne. Les thématiques vont ainsi conter cette histoire, et tout débute à la nuit des temps …

Nous nous intéresserons, ici, à la vision des premières peuplades vivant au pied de la montagne, à leur perception de ce relief obstruant l’horizon, générant à la fois des sensations de crainte et de sécurité.

« Toujours l’altitude a eu valeur de symbole. L’âme humaine, d’instinct, regarde vers la nue… » (G Sonnier). La Montagne est ainsi, dans l’histoire de l’homme, le lien entre la Terre et le Ciel. Ainsi, le premier regard que l’homme porta sur le mont Ventoux fit qu’il divinisa cette montagne. Il en fit un dieu rayonnant sur tout le pays, VIntur.

Et bien que son sommet fut consacré, dès le début du XVIe, à la Sainte Croix,la montagne resta fidèle à son passé païen en portant depuis le nom de Ventoux, issu de Vintur.

Durant l’Antiquité, le Moyen Âge et longtemps encore après dans les vallées reculées, l’homme ne s’attarde pas sur les pentes escarpées des monts sacrés, car si une lumière divine illumine la cime avec l’implantation de la chapelle Sainte Croix en 1500, nombre de bêtes peuplent aussi les sombres forêts et les gouffres sans fond de cet élan minéral.

Le Ventoux a son poète, Pétrarque, et cet homme-là a inscrit le Ventoux dans l’histoire de l’humanité. En effet, il s’affiche dans les grandes dates ayant marquées l’humanité aux côtés de Marco Polo et Christophe Colomb. Il faut croire qu’à cette époque, que les hommes s’attaquant aux cimes des montagnes ou aux horizons des mers firent face aux mêmes terreurs et firent preuve des mêmes prouesses.

En plein Moyen Âge, l’ascension de Pétrarque est une exception, on ne gravit pas les montagnes, on ne se risque pas sur ces territoires délaissés de Dieu.

En accomplissant cette première ascension et en en faisant le récit, Pétrarque fait du Ventoux la première montagne conquise par l’homme, et ce, même si des pâtres obscurs l’avaient fait bien avant lui. Seul le récit perpétue l’action au regard de l’histoire.

Son aventure est intemporelle, et le message qu’il nous livre au sommet du Ventoux nous semble être destiné, sept siècles plus tard. Il fait référence au « manque de sagesse des hommes, qui, négligeant la plus noble partie d’eux-mêmes, se perdent dans des futilités … cherchant au-dehors ce qu’ils possèdent au plus profond de leur être. »

L’homme du Ventoux n’est pas venu à la montagne par vocation, il y est venu par nécessité. La terre est rare dans ce coin de pays Comtadin et le cortège des drames humains, accompagnant dès le Moyen-Âge, fidèlement la peste, la guerre et le froid vont l’y pousser.

La montagne passe, alors, un pacte avec cet homme de labeur, il devra lutter pour la mériter. La conquête du sommet ne l’intéresse pas. Le fardeau qu’il porte le maintiendra à mi- pente, il ne connaît que le chemin qui mène à son champ ou à ses pâtures.

Seule une fois par an, il se hissera, tête basse, à la chapelle du sommet afin de remercier la montagne protectrice.

Et là même, il n’osera défier le sommet du regard. Il n’est pas animé d’un besoin de conquête puisque la montagne et lui ont des destins liés.

Au XVIIIème, l’on retrouvera ainsi dans la montagne, des bergers, bien sûr, mais aussi des paysans, des cueilleurs de simples, des charbonniers, des fermiers de la glace, des muletiers, des contrebandiers … chaque activité, chaque homme devant trouver sa place sur les pentes de cette dernière.

C’est la douce et ensoleillée face sud du Ventoux qui prête ainsi, assez tôt dans l’histoire de l’homme, ses pentes aux bons soins de quelques nécessiteux, mais qui avec l’Histoire, seront de plus en plus nombreux.

Hélas cet homme-là défriche, c’est, à l’époque, un geste de progrès qu’il renouvellera jusqu’à ce que la montagne quasi dénudée ne retienne plus sa masse et mette en péril les hommes de la vallée. La montagne donna, puis reprit à l’homme qui vécut sur ses pentes, et l’homme, à nouveau au nom du progrès, reboisa.

Ce sont des philosophes et les poètes qui vont amener l’homme aux sommets des montagnes. En voulant repenser la société, ils vont changer à tout jamais la vision de l’homme sur la nature. Nous pensons à Rousseau dont le goût pour l’air pur et son affection pour les peuples non corrompus par la société le firent rêver du Ventoux.

Nous sommes au XVIIIe siècle, le siècle des Lumières. Et à cette époque, la vie est plus que jamais, sous l’influence de la littérature, on voyage davantage, pour son plaisir et pour découvrir les merveilles de la nature que vantent les grands écrivains. Le regard transcendant du poète offrant une vision insolite de la montagne va amener l’homme de la ville au sommet de celle-ci. C’est un virage dans l’histoire de la montagne et c’est la poésie qui en est le levain.

Cette nouvelle vision de la montagne envoie l’homme de la ville sur les pentes du relief originel. Il n’a plus d’autre choix, la tentation est trop forte face à cette montagne qui le nargue depuis des siècles. Les peurs sont tombées, les portes du mont s’ouvrent, et le citadin prend le pas du pèlerin. Compte tenu de sa grande accessibilité, le Ventoux sera très rapidement, « très fréquenté ». Le savant, l’adepte des levers de soleil prennent alors le chemin du sommet.

L’explorateur prend les devants. En effet, l’homme de sciences se doit, en ce siècle d’effervescence intellectuel, où l’empirisme et l’expérimentation doivent éclairer une société ancrée dans l’obscurantisme, d’arrêter l’altitude des monticules sacrés.

Suite au sentiment de curiosité pure, l’on recherche le simple spectacle de la nature. Puis avec l’ouverture de la route du sommet, la vision de la montagne devient défiante. Un nouveau pèlerin monté sur pneumatique, part à son assaut. Les deux et quatre roues entament l’ascension.

D’effrayante, contraignante, dangereuse, la montagne devient belle, elle est le paradis perdu de Rousseau et aux yeux de l’homme de la ville, elle devient magnétique.

La montagne est un élan de la matière, une masse propulsée en altitude vers un point très précis où seul le caillou trouve ses aises. Ce point géographique fortement symbolique est le sommet.

Ce magnétisme de la matière s’appliquera aussi à l’homme. Il y enverra, en premier, ses divinités, puis n’aura d’autre choix que de gravir lui-même le mont pour atteindre le divin perchoir. Il le fera pieusement, humblement, en courbant l’échine ou par défi, tête haute, les yeux fixés vers la cime.

« Le sommet est le but ultime », nous avoue Pétrarque..

Il offre une vue sur le monde, et en ce point, il semblerait que la terre se mette à tourner autour du mont comme s’il en était le centre. En ce lieu, la montagne reconnait l’homme méritant, et se doit de récompenser l’effort du corps et de l’esprit qui ont hissé le prétendant en ce haut-lieu. Comme elle l’a fait pour Pétrarque, elle offre alors à l’homme méritant un miroir de l’âme, elle devient le lieu de la révélation.

Mais attention à la tentation de croire qu’en cette altitude l’on puisse dominer le monde, puisque immédiatement et sans sommation, la montagne par une rafale de mistral nous reprécise notre place dans ce monde.

Le sommet porte ainsi le message de la montagne ou plutôt le message des hommes du Ventoux : le Ventoux se mérite, il impose l’humilité.

Il peut être clément et généreux, comme il peut être impitoyable. Seule la lente érosion rivalise avec lui : l’homme ne déplacera pas cette montagne, le Ventoux est là pour rappeler à celui-ci la domination sans appel de la nature.


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